Dimanche soir (17 avril), le
parlement brésilien a voté la poursuite du processus de destitution
(« impeachment ») de la présidente Dilma. C’était prévisible tant les
forces réactionnaires ont préparé le terrain de longue date. Je n’ai pas un
engouement particulier pour Dilma Roussef et sa politique (qui s’aligne pour
une part sur les demandes du FMI), mais nombre de ceux qui organisent sa chute
sont des politiciens parmi les plus réactionnaires. J’ai suivi le vote pour partie dans la rue au côté de milliers de
brésiliens opposés à la destitution qu’ils vivent comme un coup d’État
institutionnel (O golpe) manigancé par ce qu’ils désignent comme des crapules
politiques.
Le vote était public et
retransmis partout, chaque député venant expliquer son vote en « quelques
mots » et dire oralement son choix. Cela a donc pris des heures. Quelques
remarques :
Le pays est apparemment coupé
en deux comme les manifestations de rue pour ou contre la destitution le
montrent. Il connaît probablement une autre coupure qui est géographique. Les
députés des États du sud du Brésil étaient très majoritairement pour la
destitution. Ceux du nord et du Nordeste (où je me trouve) étaient beaucoup
plus contra la destitution. Le sud, ce sont les États riches (pas pour tout le
monde, évidemment), les États de la production industrielle, des très grandes
entreprises agro-industrielles ; ce sont aussi des États avec plus de
populations d’origine européenne… Le Nordeste réunit un ensemble d’État
beaucoup plus pauvre, souvent frappés par la sécheresse (au point de créer des
famines et de l’exode jusque dans les années 80 au moins) ; la population est
beaucoup plus métissée que dans le sud. D’ailleurs nombre d’habitants des
favelas du sud sont des Nordestins ayant tenté de fuir la misère. J’ajoute que
le mépris d’une partie des habitants du sud (les classes moyennes et supérieurs
surtout) pour le Nord et le Nordeste est souvent affiché.
Les justifications du vote pour
l’impeachment valaient leur pesant d’or. « Pour mon pays, ma région,
ma femme (suivie du long prénom), mes enfants que j’adorent, ma mère, mon père
qui ont tant souffert des communistes (le parti des travailleurs), je vote
Oui » ; « pour débarrasser le pays des racailles, je vote oui »
; « pour l’honneur de la police militaire, je vote oui » ;
« pour revenir à la richesse du pays et de ses entreprises, je vote
oui » (NB : le pays a connu une période d’expansion économique importante
(pour le meilleur et parfois le moins bon) sous Lula) ; « contre ces
bandits de Lula, Dilma et du PT, je vote oui » ; « pour Dieu, ma
famille évangélique, je vote oui », etc. Une remarque s’impose ici sur le
poids des différentes églises, notamment des évangélistes dans la politique,
les mêmes qui soutiennent les politiciens le plus à droite aux États-Unis. Sans
parler des campagnes homophobes (un député votant pour le non à la destitution
et connu pour ses relations homosexuelles a été insulté par un député de droite
juste après qu’il ait voté, ce qui a valu à ce dernier de recevoir un crachat),
décrivant les pauvres comme des fainéants (c’est la « faute » de Lula
qui a développé les bourses familiales pour les plus pauvres en redistribuant
l’argent de la croissance), des incapables, des voleurs. Réactionnaires ces
forces politiques ? Sans aucun doute car elles veulent revenir sur tous les
petits acquis pour les « classes populaires », les indiens, les
communautés « noires », etc. de la période initiée par l’élection de
Lula en 2003.
J’ai passé un moment de la soirée de vote avec les milliers de militants et de personnes mobilisés contre la destitution de Dilma qu’ils vivent comme un coup d’État (o golpe) et qui occupaient une très grande avenue de Fortaleza. Leur bel enthousiasme sans trop d’illusion faisait chaud au coeur. Pour eux, la déception se mêle à l’idée que « la lutte contre « o golpe » va continuer.
(Extrait du blog de Daniel :voyagedaniel.wordpress.com)
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