Un homme est mort dans un accident du travail. On ne peut que le
déplorer et s’incliner avec respect. Près de 600 victimes chaque année sont
emportées par des conditions de travail déplorables...
Autre chose est d’oublier les fonctions que cet homme occupait
(PDG du groupe Total) et le bilan de son activité professionnelle.
Il convient donc de découpler les deux dimensions.
Chaque jour en France des maçons meurent en tombant
d’échafaudages, victimes eux aussi d’accidents de travail, sans parler des
scandales des maladies dites
professionnelles... Ils
sont enterrés dans l’anonymat, le silence médiatique, l’indifférence.
Chaque jour dans le monde meurent de faim l’équivalent du nombre
d’habitants d’une ville moyenne, un enfant toutes les 7 secondes, sans que les
médias daignent y consacrer quelques mots. Rayés de la carte sans faire
« la une », ni la deux, ni la trois... Blocus médiatique sur les maux
du monde ! Ces « génocides silencieux de la misère » (Galeano)
ne rentrent pas dans le menu du latifundium médiatique. Mensonge par omission.
Ce qui choque beaucoup de citoyens depuis hier, c’est la place
démesurée et les dithyrambes consacrés au décès d’un PDG, et qui plus est, en
oubliant qui il était, et l’attitude pour le moins anti-citoyenne de son
groupe : pilleur des richesses de l’Afrique, ingérences politiques, pilier
de la « Françafrique », dégâts écologiques colossaux,
corruption
à flots, privilèges fiscaux insupportables, profits monstrueux qui profitent
surtout aux gros actionnaires, aux suceurs de sang et de sueur.
Si nous sommes, paraît-il, égaux dans la vie comme devant la mort,
la disparation d’un patron mérite certes information, mais pas « en
boucle » comme un quasi deuil national.
Je me souviens que lorsque l’un des plus grands chanteurs
français, Allain Leprest, nous a quittés, sa mort fut presque ignorée par les
grands médias et la plupart de ceux qui y firent un modeste écho n’avaient
jamais parlé de lui de son vivant.
Quant à exclure Gérard Filoche du PS, je ne saurais m’ingérer dans
les affaires d’un parti qui lui-même mérite d’être exclu... et j’en passe. Je
me retiens !
Jean Ortiz (Le Grand Soir)