Depuis le décès brutal de Jean Michel Lemétayer, l’ancien leader de
la FNSEA, la presse, en particulier locale, n’a pas été avare de
compliments sur l’homme et son engagement. Difficile de trouver le
moindre début de critique sur son action à la tête du syndicat, étant
entendu que l’homme privé était certainement « un type bien », « simple
», « débordant d’énergie », « estimé de tous », notamment dans son
village d’Ille et vilaine, comme cela a été rapporté dans Ouest France.
Tous,
de la gauche à la droite, que ce soit le personnel politique, la
presse, ou le monde syndical agricole, y compris minoritaire, ont
débordé d’éloges et de bons sentiments sur l’homme, et les réserves sur
son action ne se sont que très modérément exprimées.
Bien sûr, le
temps des obsèques ne se prête pas à ce genre d’exercice mais ce concert
de louanges, certainement justifiées s’agissant de l’homme, ne doit pas
masquer l’orientation et l’action du syndicat agricole dont il fut le
Président.
Un libéralisme mâtiné de subventions publiques
Rappelons
tout d’abord que la FNSEA est le principal lobby agricole et qu’il a du
mal à accepter la pluralité d’expression au sein de la profession.
Ensuite, on soulignera l’ambigüité qu’il y a à s’inscrire dans le
libéralisme dès qu’il s’agit pour l’agriculture française et l’industrie
agro alimentaire d’exporter ses produits, et en même temps prôner le
protectionnisme lorsque les autres producteurs européens veulent vendre
leurs produits en France. On a vu ce que cela pouvait donner en matière
d’opérations coup de poings avec destruction de marchandises à l’appui.
Cette
ambigüité apparaît également de manière flagrante lorsqu’il s’agit de
maintenir contre vents et marées la PAC, très favorable, il faut le dire
à l’agriculture française.
Un syndicalisme de combat
Pour
se faire entendre, les syndicalistes de la FNSEA, n’hésitent jamais à
sortir l’artillerie et les blindés, c'est-à-dire les légumes et les œufs
dont ils arrosent copieusement les forces de l’ordre, et les tracteurs
et engins qui servent à l’occasion à démolir les grilles des Préfectures
ou à épandre le lisier, marque caractéristique de leur passage.
Dernier
exploit en date (le 3 Août), la destruction dans le Finistère d’un
portique écotaxe (destiné à facturer la redevance routière applicable
aux plus de 3.5 T voulue dans le cadre du Grenelle de l’environnement),
par un collectif dans lequel figurait la FDSEA.
Il est intéressant
de constater que ces actions ont toujours bénéficié de la mansuétude
des pouvoirs publics (de droite ou de gauche) qui laissent
complaisamment entrer les tracteurs jusque dans les centres villes où
ils bloquent la circulation, au mieux, ou démolissent, au pire, des
bâtiments publics.
Notons enfin que des courants traversent le
syndicat et que les intérêts divergent entre céréaliers, producteurs de
lait, de viande (porc, volailles, bovins, ovins,…), mais qu’en l’absence
de pluralité syndicale, les affaires se règlent entre « amis » au nom
d’une solidarité agricole plus ou moins factice.
Les laissés pour compte du modèle
Le
syndicalisme agricole incarné par la FNSEA bénéficie donc d’une place à
part dans le paysage français. Pour autant le modèle d’agriculture
qu’elle incarne est-il efficace ?
Une partie de la profession
agricole souffre et de nombreuses exploitations ferment chaque année en
raison d’un modèle d’agriculture intensive prôné par la FNSEA et la
course à la mécanisation qui va avec. Les petits agriculteurs,
prisonniers de ce modèle, se sont endettés au-delà du raisonnable avec
la promesse de remontée des cours qui ne vient que rarement et ont
épandu engrais et pesticides fournis par les coopératives au-delà du
raisonnable. Les banquiers, y compris ceux qui se revendiquent proches
du monde agricole, mais qui ne sont pas des philanthropes pour autant,
procèdent, au mieux à l’étalement des dettes ou au report des intérêts,
ce qui revient tout juste à rallonger la laisse de l’agriculteur et à
différer l’échéance de la liquidation de l’exploitation.
Ce
système profite à ceux qui s’inscrivent dans le schéma productiviste,
qui voient là la possibilité de racheter pour une bouchée de pain,
terres, bâtiments et matériels tout en orientant les agriculteurs ruinés
vers le RSA.
Et l’environnement dans tout cela ?
On
l’a dit, le modèle productiviste avec ses excès est préjudiciable à
l’environnement et ce ne sont pas les concepts plus ou moins fumeux sur «
l’agriculture raisonnée » ou « durable » ou « responsable », chargés de
faire oublier l’agriculture bio, qui pourront nous convaincre de la
suprématie du modèle proposé par la FNSEA.
La Bretagne est bien
placée pour vérifier les conséquences des rejets agricoles dans les
cours d’eau. De superbes marées vertes agrémentent si l’on peut dire,
les côtes, et à chaque fois, c’est la puissance publique (l’Etat, les
intercommunalités, les communes,), c'est-à-dire le contribuable, qui
paye les frais du nettoyage, comme par ailleurs à la suite de chaque
manifestation.
Le bal des faux culs
Alors,
voilà, il y avait quelque chose d’affligeant dans cette quasi unanimité
de louanges sans nuances dont on pourra dire, pour l’expliquer, qu’elle
concernait l’homme et non l’organisation syndicale.
Quelques
députés auront sans doute fait le minimum. D’autres élus, de gauche
également, mais sans doute animés par les prochaines échéances
électorales, en on fait un peut trop dans la brosse à reluire, quand
ceux de droite pouvaient enfin faire preuve d’une sincérité sans faille.
Trois
Ministres de gauche se sont déplacés pour la cérémonie mortuaire et un
message du Président de la République à été lu. Un sans faute dans cette
période estivale peu propice à la mobilisation (souvenons nous des
ratés lors de la canicule). On n’a donc pas entendu les flingueurs de
l’UMP reprocher quoi que ce soit au gouvernement actuel, d’autant que
les dirigeants de ce parti ne semblaient pas présents aux obsèques.
Une
seule personnalité politique (l’ancien Ministre de gauche de
l’agriculture Louis Le PENSEC) aura nuancé son éloge par une réserve sur
les convictions du défunt qui n’étaient pas partagées par tous. Il est
bien seul à n’avoir pas manié la langue de bois et à l’avoir fait dans
le respect du défunt.
Un exercice de communication politique
globalement bien réussi, donc, mais qui aura occulté bien des choses sur
la réalité du monde agricole d’aujourd’hui, ses sous prolétaires qui
crèvent la faim, et sur les attentes et questionnements des citoyens en
matière de traçabilité des produits, de coûts de production,
d’environnement et de liens entre l’agriculture, l’agro alimentaire et
la grande distribution.
Michel DROUET
Un article très intéressant, qui je l'espère suscitera quelques commentaires.
2 commentaires:
xxxx
Les présidents successifs de la FNSEA sont tous issus de la grande culture ,betteraviers,céréaliers,et acoquinés avec l'industrie alimentaire.Ils profitent bien sûr largement des subventions de la PAC et n'ont aucun intérêt à ce que ça change. Le producteur de base est étranglé par cette coalition d’intérêt.La FNSEA aura réussi à éliminer la petite agriculture avec la complicité des gouvernements successifs et se fiche pas mal de ce qu'on met dans nos assiettes
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